Vie et mort de l’orientalisme

David

Vie de l’orientalisme

 

(1) Lawrence Alma-Tadema, (2) Jean-François Portaels

L’Orientalisme est un phénomène exclusivement européen, une représentation de l’Orient dans l’art européen de l’époque moderne. Ce mouvement artistique implique l’utilisation de sujets et de motifs qui ont puisé son inspiration dans la littérature, l’architecture, la musique, et plus globalement des beaux-arts. La fascination de l’Empire ottoman après la guerre d’indépendance grecque et l’avancée du colonialisme donneront libre cours à ce mouvement aussi bien littéraire qu’artistique. Bien que les intrigues orientales et les tendances stylistiques aient pénétré dans l’art européen dès le Moyen Âge, l’épanouissement de l’orientalisme artistique a été l’époque du romantisme (fin des XVIIIe et XIXe siècles).

L’utilisation de ce terme a été suggérée par le savant et critique littéraire américain d’origine palestinienne Edward Said. En 1978, son livre “Orientalism” est publié ; il fait immédiatement sensation dans les cercles académiques. Cet ouvrage très critique dépeint une certaine domination culturelle (et bien évidemment politique) de l’Occident sur l’Orient, devenant ainsi une pierre angulaire pour toutes les études dites postcoloniales.

(3) Jean Léon Gérôme, (4) Vassili Verechtchaguine

L’orientalisme vise, en autres, à transmettre divers éléments nationaux et des concepts ethnographiques et, quelque part même, des manifestations archétypales d’un pays en particulier. Les œuvres d’artistes dédiées au Moyen-Orient, aux pays d’Afrique, à l’Égypte, au monde arabe et aux turpitudes des Balkans sont particulièrement célèbres.

L’orientalisme est le reflet d’une image d’une culture particulière dans une certaine stylistique de l’image. Bien sûr, les artistes s’écartent souvent des formes classiques de l’orientalisme, ajoutant, par exemple, l’impressionnisme et d’autres innovations liées à l’évolution des représentations picturales.

(5) Jean Léon Gérôme

L’orientalisme est aussi souvent comparé à l’exotisme. Les artistes de ce mouvement ont souvent recours à la représentation des aspects de la culture choisie qui sont les plus vifs et peuvent se présenter dans des couleurs inhabituellement pittoresques. Le fait est que, par essence, l’orientalisme ne devrait pas représenter des scènes ordinaires de la vie (cf. vie quotidienne des gens ordinaires), sinon ce ne serait plus l’orientalisme, mais une sorte de peinture classique. Les orientalistes veulent toujours capturer quelque chose d’exotique, un petit plus qui peut surprendre et même étonner. Il s’agit souvent de paysages magnifiques, d’événements, de coutumes traditionnelles et de tout ce que les gens d’autres pays accepteront comme véritablement “exotiques”.

L’Orient imaginaire semblait aux Européens émotionnel, passionné, voire érotique. Si vous regardez les sujets orientaux qui ont été choisis par des artistes ou écrivains européens, il est facile de voir à quelle fréquence ils sont associés à l’idée d’un harem ou à d’autres thèmes ouvertement sensuels. Ceci est clairement visible dans les peintures de Delacroix et de Jean-Léon Gérôme. Dans la peinture russe, Vasily Vereshchagin en est le principal représentant.

(6-7) Jean Léon Gérôme

 

Mort de l’orientalisme

À bien des égards, l’Orient était certainement à la traîne par rapport aux empires coloniaux européens à leur apogée. Cependant, il a emprunté à l’Occident non seulement des technologies, mais aussi des idées. L’idée d’un État-nation, apportée par l’Occident en Asie, est devenue fatale à la domination européenne. Au début du XXe siècle, les mouvements nationaux en Chine, en Inde, en Palestine ou encore en Afrique du Nord commençaient à peine à se former. Mais au cours des prochaines décennies, ils ont détruit – pacifiquement, ou au prix de beaucoup de sang – tous les empires européens qui n’ont pas eu le temps de se détruire mutuellement pendant la Première Guerre mondiale.

(8) Vassili Verechtchaguine, (9) Lawrence Alma-Tadema

La première guerre d’importance où un État non-européen remporta la victoire fut le Japon lors de la guerre russo-japonaise. Il est symbolique que ce soit dans cette guerre que le peintre russe Verechchagin y soit tué tragiquement, l’un des représentants le plus brillant tant de ses contemporains que du public en ce début du XXe siècle. Il périt sur le navire russe Petropavlovsk, au moment où l’orientalisme sombrait corps et biens lui aussi. Mais l’art résiste plus facilement au temps que les hommes : la dernière œuvre de Vereshchagin, une illustration d’un conseil de guerre présidé par l’amiral Makarov sur laquelle il travaillait, a été retrouvée, elle, presque intacte.

Artistes et sculpteurs célèbres qui ont travaillé dans ce genre si particulier :

• Antoine-Jean Gros, Eugène Delacroix, Théodore Gericault, Alexandre Gabriel Dean, Jean-Léon Gérôme, Eugène Fromentin et le sculpteur Charles Cordier en France,
• Hans Makart en Autriche,
• David Wilkie, William Holman Hunt, Ford Madox Brown, Lawrence Alma-Tadema au Royaume-Uni,
• Vasily Vasilyevich Vereshchagin en Russie.

(10) Jean Léon Gérôme, (11) Jean-François Portaels