Uchronie : Napoléon – chapitre VII

VII

 

Désormais attablé, un morceau de pain dans la main, une langoustine dépiautée dans l’autre, l’empereur engloutissait le plus rapidement possible son mets. Une vieille habitude gardée dans les tentes improvisées avant une offensive, alors que les décisions prises à la volée se succédaient. Il se souvient moins des visages obséquieux et empâtés prompts à la flagornerie que des ordonnances données d’autant plus vite qu’elles cheminaient à travers toute l’Europe. Ils les regrettent presque toutes à présent : distribuer des hochets infantilisent les hommes, encore plus s’ils brillent comme de l’or.

« Murat, pour le bon Murat, je te donne les clés du royaume de Naples. Fais-en bon usage et sers-toi de ce nouveau pouvoir sur tes sujets non comme un privilège mais comme une nécessité pour la paix en Europe. Une famille unie, une paix sur les terres et n’oublie surtout pas qui t’as fait roi », fit Napoléon, les yeux dans les yeux de ce qu’il nommait l’ouragan sur le champ de bataille.

Mais donner des responsabilités aux hommes de guerre, c’est faire le caprice des destins changeants et jouer de malchance avec le mauvais sort. Murat a cessé d’être un ouragan. Il a tout simplement cessé d’être. Une décision donnée trop rapidement pour une présence qui n’était pas requise, dans une banale affaire de révolte.

Mais pouvait-il le faire autrement ? Aller en première ligne pour mater une rébellion dans la ville de Rimini, là où des Autrichiens séditieux s’étaient retranchés, ne fut pas une erreur fatale en soi, pas plus que d’envoyer des hommes de renom pour mater et imposer le respect par la suite. Non. Les aléas dans un terrain accidenté brisent parfois bien plus de familles qu’une balle de fusil d’un Charleville… Tué misérablement par une pierre décrochée depuis une tour – une échauguette mal réparée, voilà comment l’un des plus grands généraux de Napoléon, Joachim Murat, termina sa carrière : le crâne fracassée par une tuile. Caroline m’en voudra toujours, avait-il dit, au pied de son cercueil, autour d’une foule immense et entourant un tombeau aux allures de pharaon de la Vallée des Rois.

 

« Un certain monsieur Hatride est là pour vous voir, sire ».

Il fallut un toussotement de plus pour réveiller l’empereur alors que les mouvements mécaniques des valets venus lui resservir ne tarissaient aucunement les innombrables plats présentés devant lui.

— Eh bien, qu’il entre et fasse sa doléance ! entonna l’empereur, avant de reprendre gourmandise devant le festin présentée. Ses manches quelque peu salies, il demanda sur le champ un autre costume. Le dessert, une dame blanche, ne l’intéressait pas, mais étonnement il n’écarta pas le plateau.

Puis, il se donna une tape sur le front et il prit en main cette nouveauté diablement utile : une petite serviette jetable, et, s’arrêtant net comme si un coup de semonce avait retenti, il fixa du regard l’invité qui marchait à petit pas, troublé, cela va sans dire, en face de l’autorité suprême. Alors qu’il continuait à marcher lentement devant lui, ayant probablement peur d’avoir interrompu sa dégustation, l’empereur prit les devants comme à son habitude et dit haut et bien fort :

— Une mauvaise habitude, une de plus.

— Je vous demande pardon, majesté ? répondit le jeune quémandeur.

— Non, je ne parlais pas pour vous. Voyez-vous, monsieur Hatride, j’ai comme un souci quand il s’agit des repas.

Il inspecta du regard l’individu, de haut en bas ; un jeune homme, d’une vingtaine d’années, bien tassé, un gabarit léger mais haut et bien campé sur des jambes fortes. Un menton solide, des joues bien rouges, des cheveux noirs de jais bouclés. La redingote quelconque cependant.

— Il m’est arrivé de m’étrangler ! reprit-il. Oui, je m’étrangle quand j’avale les délices raffinés de mes maîtres queux, et je savoure d’une traite et sans faux-semblant la pitance des campagnards, en visite ou ici-même quand je les reçois. Regardez donc : du pâté d’oie, le plus fin de toutes les régions de France… en fait, je n’en suis pas certain. Évitons les mensonges, je déteste ça : je ne suis pas un gastronome et je n’ai aucun talent pour présenter les repas à mes invités. Talleyrand le faisait si bien. Savez-vous ce que faisait Talleyrand, mon ancien bon conseiller et ministre des Affaires étrangères, quand il recevait des convives de qualité à sa table ?

— Je l’ignore, sire, répondit-il placidement.

— Il préparait un fastueux rôti avec des pommes d’amour, un émincé de légumes, des truites roses fumées et bien d’autres joyeusetés qui m’ont laissé longuement perplexes, et ce dans un plat de vermeil. La présentation s’accompagnait – dans un cadre chaleureux, accueillant et propice – d’un mousseux extraordinaire, le tout élaboré au pied d’une décoration exubérante qu’un cistercien n’aurait finalement pas reniée. Le finaud savait y faire, je reconnais bien ses mérites maintenant qu’il n’est plus présent à nos côtés, dit-il en regardant l’horizon par la fenêtre.

Napoléon semblait tout d’un coup absent à l’évocation de son ancien ministre, laissant un instant flotter avant de reprendre son histoire.

— Et là ! continua l’empereur d’une voix emportée, devant l’invité aguiché par une telle splendeur culinaire, le domestique avait préalablement reçu l’ordre de faire tomber le plat à ses pieds. Le choc était immense, tant dans la salle que dans le ventre des infortunés qui pestaient déjà d’une telle maladresse. Le rôti aux pommes d’amour ? gâché ! le saumon ? éparpillé en fines lamelles ! l’accompagnement ? que des restes écrasés sous les pieds du domestique. Une bouillie informe qui ne méritait plus le nom de dîner.

Bien que la vieillesse eût pris corps en rides et en poches pendantes en-dessous de ses yeux, sur les traits du très reconnaissable Bonaparte, ses élans et emportement, même en-dehors du champ de bataille, n’avaient pas perdu de leur superbe. La gestuelle avait autant d’incarnation que le plus voluptueux voltigeur sur son fil.

— C’est alors qu’un autre domestique fit son apparition avec un mets encore plus somptueux et savoureux à voir et à sentir. Au lieu d’un rôti, il y en avait deux, à la place du saumon, un plus gros se démarquait et la garniture, une splendeur digne d’une devanture de palais, dit-il dans un souffle plus lent, alors qu’il se raclait plus souvent la gorge. Il avait l’habitude de dire, et ça j’en suis certain, que le meilleur auxiliaire d’un diplomate est sans conteste son cuisinier.

Napoléon laissa un temps d’arrêt, comme si l’invité se devait de répondre ou de donner son avis sur la chose. Le silence n’était plus troublant mais anxiogène.

— Je… Je comprends, sire.

— J’en doute, monsieur Hatride.

— Sire, je me permets de formuler ma demande quant à…

— Je n’ai pas fini ! interrompit brutalement l’empereur.

Prenant son temps pour mettre autant mal à l’aise que possible son invité, il termina sa gaufre, entamée juste après son arrivée dans la pièce. Il n’en perdit pas une miette avant de se remettre à parler, comme si le monde entier était à son écoute :

— Talleyrand, oh ! Talleyrand, ce génie, cet habile parmi les élégants, ce gentilhomme parmi les bêtes, ce renard parmi les agneaux… et… et… cet hypocrite parmi les notables, ce serpent de mer au beau milieu de la Seine ! dit-il finalement avec fureur. Ce bougre, finit-il par dire, oui, ce bougre n’était évidemment pas un idiot, mais jouer de galéjade au double langage est un jeu dangereux. Quand on tourne un levier à répétition dans l’ombre du théâtre, cela finit par s’entendre plus qu’un boulet à traîner au pied d’un condamné. Et quel champion il était ; il pouvait ravir les louanges après s’être fait copieusement engueulé… par moi-même ! Et il avait un avantage sur tous ses cousins germains d’éminence grise : il savait quand se retirer pour mieux revenir. Et plus important encore, il sentait le bon moment pour faire de sa roublardise un coup de brelan décisif.

Le jeune impétrant regardait avec des yeux ronds tout le commentaire sans broncher, dans une discipline parfaitement maîtrisée. Voir l’empereur prendre le temps de vous conter une histoire personnelle n’arrive pas tous les jours ; il le faisait pourtant pour ses proches, ses généraux, ceux qui l’avaient aimé pour ainsi dire… mais aussi ceux pour qui un doute ne lui rappelait que trop bien cette formule : nos enfants sont tout aussi un miracle qu’une énorme déception.

L’empereur déboutonna le premier bouton de son gilet. Il faisait chaud dans cette pièce où le feu dans l’âtre prenait une couleur orangée et vive.

Et il continua :

— La mort ne l’a pas épargné. Je suis sévère avec lui, mais avais-je le choix ? Il m’a accompagné partout, je suis allé au mariage de sa sotte de femme et je n’ai jamais écouté son dernier conseil : faire la paix avec l’Angleterre. J’ai longtemps pensé avoir sagesse sur le sujet mais, monsieur Hatride, je l’admets volontiers au premier venu, mais il avait bel et bien raison, le bougre. Le malheur est qu’on ne retrouve pas aussi facilement un homme d’une telle qualité avec autant de défauts et de perfidie à la fois. Pour attirer l’hydre chez soi, nous avons besoin de nos propres monstres. Mais les Lumières sont passées par nos carreaux, et nous ne croyons plus aux monstres. Alors on les a oubliés, et eux aussi se sont oubliés à nous. On se retrouve ainsi avec des prestidigitateurs, des copies sans charme et sans pouvoir. Des quémandeurs qui ne quémandent pas…

Napoléon donna un nouveau temps d’arrêt. L’invité resta de marbre.

« Bon Dieu ! Qu’il est mauvais, le Philistin ! » reprit-il.

Rien ne se passa, comme si l’évènement présentement joué était une répétition avant le grand spectacle du lendemain.

— J’aurais pu vous mettre au cachot à vie depuis belles lurettes, monsieur Hatride. Ou plutôt devrais-je dire Achille.

Le temps semblait figé. Même la grande horloge au-dessus de l’aigle brodé avait décidé de ralentir ses notes une fois l’heure  de treize heures passées et une taciturnité de moins bénédictins à l’office se fit horriblement sentir. Le tapis rapporté d’Orient, avant l’acte de terrorisme de Nelson d’Aboukir, fut la dernière chose de valeur récupérée ; ultime souvenir d’une défaite peu glorieuse, et où des dizaines de visiteurs pressent désormais le pas dessus. Achille était planté comme un piquet sur ce même tapis et ignorait la valeur de chaque objet de la pièce où il se trouvait. Il ignorait vraiment trop de choses.

— On dit que du haut jusqu’au bas moyen-âge, si un accusé était présenté comme coupable, ce dernier devait tout faire pour montrer sa bonne foi et convaincre de manière énergique les dires portés à son encontre. Celui qui ne s’offusque pas est comme pour ainsi dire condamné avant l’heure. D’où est venu la célèbre tirade qui ne dit mot consent, Achille…

Depuis que le registre des faits et mots de l’empereur existait, les tirades de Napoléon étaient consignées avec soin et les éclairs de génie, réguliers et attendus comme une prophétie, pléthoriques. C’est en tout cas ce qui est noté dans le registre. Et le registre ne se trompe pas.

La carapace se fissura à cet instant.

— C… comment, comment avez-vous su ? finit-il par décrocher de sa bouche, après s’être longuement prostré.

— Vous avez le même regard, presque le même physique. M’auriez-vous pris pour un fou, un être sénile détaché du monde extérieur ? J’ai exploré le monde comme aucun grand conquérant ne l’a fait. Les faibles, les forts, les démunis, les plus riches, les colporteurs, les lâches, les meurtris, les assassins, les vaillants. Et parfois deux ou trois comportements en même temps : un vaillant assassin au cœur meurtri. Le cœur des hommes, Achille, ça été mon passe-temps à dos de cheval, du port de Toulon à Vitebsk. Je les ai tous vus. La rancune est l’un ses sentiments les plus répandus.

La mue du serpent avait cette beauté toute naturelle, et l’exuviation n’en était que plus aisée en se frottant aux branchages ou aux pierres rugueuses qui environnaient les reptiles.

— Ce n’est pas de la rancune ! vitupéra Achille.

Le ton était devenu importé, virulent, presque enragé, à l’opposé du calme affiché par la froideur du visage qui peinait désormais à contenir sa haine.

— Qu’est-ce donc alors ?

— Une juste revanche. Il est mort par votre faute. Et vous allez bientôt le rejoindre. Des milliers de personnes m’acclameront très bientôt. Le tyran sera tombé de mes mains. Là où l’Allemand de Schönbrunn avait failli, mon nom sera acclamé jusqu’au Rhin et au-delà du fleuve.

— Et votre tête tombera inexorablement, répondit calmement l’empereur face au déchainement verbal du jeune homme dont la salive avait jusqu’à tâché sa redingote.

— Qu’importe ! Ma vie contre la vôtre, j’accepte l’échange. En fait, vous êtes déjà mort. Cette langoustine, enfin ce qu’il en reste… non, non, plus besoin de la recracher, dit-il en voyant la main de l’empereur baisser le couteau devant le plat. Non, ce n’est pas même pas ça. Qu’importe, cela ne prendra plus que quelques instants, car… vous l’avez bouffé !

La scène, surréaliste, aurait donner des sueurs froides au chambellan, s’il avait été présent, et ce davantage l’outrage à l’étiquette que la tentative de meurtre en cours.

— Oui, bouffé, réitéra-il, comme vous avez bouffé le monde. Eh bien, voilà une rétribution poétique qui va vous ravir : vous avez avalé votre propre mort. Inutile d’aller plus loin dans les explications, vous m’avez compris. Voilà !

Il y avait tout autant du pathétique que de la bonne volonté dans son geste prémédité et longuement ressassé. Et bien des dramaturges feront de l’évènement une farce, une fois l’empereur définitivement enterré.

Brusquement la porte s’ouvrit sans crier gare. Le visage de l’impétrant avait de nouveau changé de couleur. L’avait-il entendu ? se demanda-t-il en une fraction de seconde.

Le chambellan n’avait pas diminué son effet en dérangeant l’entrevue.

— Ceci est une conversation privée ! s’insurgea-t-il.

L’anxiété gagnait son visage pour le faire rougir au point de le faire trembler du menton.

Le chambellan regarda avec peur et détermination l’empereur mais celui-ci, le regard plein d’animosité acquiesça sans broncher et dit d’une voix légère :

« Laissez-nous, même si cela est important, laissez-nous ».

Achille n’en croyait pas ses yeux et encore moins ses oreilles. Ce Napoléon Bonaparte, était-il plus faible que les images d’Épinal ne le laissaient entendre ? La propagande l’avait-il lui aussi fait croire au pire ? Quand le chambellan s’inclina pour s’en aller, un rictus se dessina, et il eut aussitôt un regain de confiance. Le serpent avait hypnotisé sa proie.

Il le fixa, fier de son emprise, de sa hauteur trouvée :

— Je n’ai même pas eu à forcer mon talent, que d’encre gâchée sur du papier pour un aigle en chiffon. À cet instant, l’aube des destins foudroyés apportera le silence à votre volonté, fit-il en levant le bras droit au-dessus de sa tête.

La bouffonnerie n’avait plus de limite, il le savait mais s’en fichait.

— Vous feriez un piètre poète, Achille.

— Je vais vous regarder mourir, Bonaparte.

Déjà boursoufflé par des plaques rouges sur le rebord du col, le maître de l’Europe se figea, comme un lapin prit dans une lumière vive.

Soudain, pris de tremblements, l’empereur laissa tomber sa coupe des mains. Il essaya de se lever mais retomba sur l’énorme coussin. Une quinte de toux l’envahit, si bien qu’Achille se mit à rire, comme un fou-rire spontané, peut-être pour masquer l’agonie aux intervenants situés, très probablement, à l’extérieur de la pièce.

Ils ne pourront plus le sauver désormais, pensa-t-il.

« Po… pourquoi ?! » fit un Napoléon décomposé, une serviette à la bouche.

— Vous savez pertinemment le pourquoi. Permettez-moi d’ajouter le comment : un de vos hommes a été soudoyé… Oh ! pas un que vous escomptiez. Pas un larbin ni un sujet propre à la rancune, comme vous le pensez naïvement. Grâce aux mémoires de Dunand, j’ai su que la gaufre roulée et fourrée à la crème était l’un de vos derniers plaisirs de table. Y injecter le poison, une formalité. Et à travers l’entremise de peut-être vous savez qui maintenant, j’ai pu avoir accès à une souplesse dans les cuisines. Une de celles qui permettent au destin de s’accomplir. Dormez maintenant ! dit-il, la rangée de dents bien visibles et les cils relevés. Un opéra me sera un jour consacré. Oui, un opéra.

La quinte de toux redoubla d’intensité et le couteau tomba définitivement de sa main.

Joséphine, Joséphine… ! aurait-on imaginer dans la bouche de l’empereur, les hagiographes prêts à écrire avec servilité les derniers mots invoqués lors de son dernier souffle. De Joséphine ou de sa Grande armée, bien peu en ce monde auraient pu dire avec certitude, lequel des deux il regrettait le plus au soir de sa vie.

Néanmoins, la gaufre était bonne à vrai dire, trop bonne pour être posée sur la table de l’empereur sans une inspection plus que minutieuse.

— Une tragédie plutôt, fit l’empereur, redressé, le visage de nouveau lumineux.

Avant même de comprendre ce qu’il se passait, les portes claquèrent et des soldats se placèrent avec force devant le malheureux qui n’avait plus que des larmes précoces aux yeux. Des colosses armés de fleuret, un autre avec un pistolet d’arçon et un chien de berger allemand qui grognait au moindre sifflet de son maître. Plus de doute, l’effet était prévu en amont, la perfidie déjouée dans l’œuf, les simagrées, de la comédie pour parachever l’acte final.

Feindre le malaise, là, comme ça, de manière la plus grasse en plus, et je suis tombé dedans, les deux pieds devant, pardonne-moi, père. Pardonnez ma bêtise.

Les larmes abondèrent sur le jeune visage d’Achille. Napoléon n’eut pas un regard de pitié ou de complaisance. Et il dit sentencieusement à son encontre :

« Achille, vous êtes condamné et emprisonné à vie. Mais vous ne nous avez pas tout dit concernant cette entremise. Et il faudra parler. Instamment. Pour votre survie mais aussi pour vos proches. S’attaquer à l’empereur revient à s’attaquer à l’institution, aux valeurs de la Révolution que j’ai installées partout en Europe. Soyez heureux, à l’égard de votre patronyme, je ne vous conduis pas à la pire des geôles, mais au-devant du mépris affiché à la mémoire d’un Grand disparu, ancien maréchal d’empire, grand-duc de Berg et de Clèves, pair de France et roi de Naples, que vous souillez en tentative vaine de crime au premier degré, aucune largesse ne vous sera donnée. Ce faux nom d’Hatride est à la mesure de vos projets : petit et sans envergure. Par le petit portail avant le cachot, telle est ma décision. Va ! parjure et pense à tes crimes ».

Pour ainsi dire, il n’avait aucunement l’allure ni la force de caractère d’un Frédéric Staps, ce qui était bien décevant et pourtant loin de le rasséréner. Il ne voyait plus que la déchéance d’un fils devant l’immensité du travail accompli par le père. Tous ne deviennent pas Alexandre. Et si, dans une pensée lucide, loin du tumulte, l’empereur aurait pu penser à son propre fils, engoncé dans les plis d’un costume trop grand et dans le fard du théâtre politique, les larmes auraient pu être partagées.

Il n’eut pas un mot plus haut que l’autre et c’est seulement trainé de force à l’extérieur que le pauvre Achille commença à gigoter, se plaindre et finalement hurler comme un dément. Napoléon se plaça devant la fenêtre, empoigna la tenture pourpre pour se l’enrouler autour du corps. La tentation romaine était trop grande.